Réserve citoyenne : Najat Vallaud Belkacem en rythme et en cadence

La réforme des rythmes scolaires et la mise en place des activités périscolaires n’en finissent plus de désagréger le sens commun républicain. Lundi 9 février, la ministre Najat Vallaud-Belkacem lançait ainsi la réserve citoyenne de l’éducation nationale. Or si les intervenants issus de celle-ci sont amenés à s’exprimer sous la forme d’interventions dans le cadre scolaire sous la responsabilité d’un-e enseignant-e, ils ont également vocation à se déployer de manière autonome dans le cadre des activités périscolaires. Dans ce second cas, non seulement l’Education nationale externalise l’adhésion aux valeurs républicaines, mais elle expose les enfants aux interprétations des intervenants sans qu’un-e enseignant-e puisse assurer la mise à distance de ce qui potentiellement peut relever d’une opinion.

On connaissait les tentatives d’externalisation de certains savoirs dans le cadre des activités périscolaires issues de la réforme des rythmes. On avait constaté l’explosion du cadre national avec des activités à la carte en fonction du territoire. On savait que la réforme des rythmes en rompant le principe de gratuité remettait en cause le principe d’obligation scolaire. On avait y compris diagnostiqué le rôle de perce-muraille de la réforme des rythmes scolaires quand Najat Vallaud-Belkacemen avait proposé que les intervenants sur les temps d’activités périscolaires puissent intégrer le temps scolaire et se substituer aux enseignant-e-s quand ceux-ci étaient appelés à une journée de concertation (lire ici). Cette fois, la ministre va plus loin encore et c’est la mise en place de la réserve citoyenne qui lui en donne l’occasion.

Présentée lundi 9 février, on peut retrouver les éléments sur le site du ministère (ici). Les interventions de cette réserve citoyenne de l’éducation nationale se font sur deux champs. Le premier dans le temps scolaire tout d’abord. C’est à l’invitation d’un-e enseignant-e qui inscrirait la démarche dans le cadre sa progression et de sa liberté pédagogique qu’un intervenant extérieur issu de la réserve citoyenne peut être sollicité pour intervenir devant les élèves. L’enseignant-e « formule [sa] demande auprès du service en charge de l’action du rectorat en exposant [son] projet pédagogique, après en avoir informé [son] directeur d’école ou [son] inspecteur de l’Éducation nationale (premier degré), ou [son] chef d’établissement (second degré) ». Une telle intervention ne peut selon le ministère se faire qu’en présence de l’enseignant-e (« Je suis présent au sein de ma classe pendant le temps d’intervention du réserviste devant mes élèves ») qui, comme cela se fait déjà dans de nombreux domaines, est le garant de la mise à distance critique des éléments apportés par l’intervenant extérieur. Bref rien que du très classique, encore que la liste des intervenants agréés par le ministère méritera d’être regardée de près de manière à s’assurer que chacun-e d’entre eux corresponde bien aux valeurs républicaines d’émancipation et d’humanisme universel. En l’espèce, le malaise sur ce point relève plutôt de la communication de la ministre qui, dans la frénésie qui les a tous gagnés au mois de janvier, jette ici l’opprobre sur l’action des enseignant-e-s et préfère pour faire partager le sens commun républicain faire appel à des éléments extérieurs plutôt qu’avoir confiance dans les personnels placés sous sa responsabilité. L’aveu de son propre échec n’est décidément pas loin.

Là où le danger est dès à présent bien réel, c’est quand la ministre annonce que l’intervention des « réservistes » pourra se faire dans le cadre des activités périscolaires. En effet, Najat Vallaud Belkacem propose rien moins que « permettre à des collectivités de mobiliser, sous leur responsabilité, les réservistes qui manifesteraient le souhait d’intervenir en appui aux activités périscolaires, sous leur responsabilité propre. Une convention est conclue avec chaque collectivité intéressée ». Cette fois, ce n’est donc plus l’Education nationale qui est garante de la transmission des valeurs républicaines mais les collectivités locales qui en portent « la responsabilité propre ». Est-ce à dire que ces valeurs peuvent souffrir des déclinaisons locales ? Qu’elles peuvent différer selon la collectivité ? Plus pratiquement et dans ce cadre, qui s’assurera du contenu qui est transmis ? Chacun-e connait la réponse : personne ! C’est confier aux intervenants extérieurs, en autonomie, le soin non de préparer des citoyens émancipés à même de prendre leur place dans le cadre du pacte social et républicain, mais au contraire de transmettre une interprétation propre de leur lecture républicaine. Bref l’antithèse de de ce qui doit se passer dans le cadre scolaire qui vise à préparer des citoyens qui selon la formule de Condorcet « ne s’en laissent pas conter mais attendent qu’on leur rende des comptes ». Or justement, dans le cadre de l’éducation nationale, c’est l’enseignant qui joue le rôle de la mise à distance critique pour permettre le dépassement de ce qui est une opinion pour alimenter la construction personnelle de l’élève dans un cadre collectif commun. Dans le cadre des activités périscolaires, les élèves ne sont plus que des enfants, livrés à la capacité de conviction de ceux qui interviennent auprès d’eux.

La réforme des rythmes a été conçue comme éléments désagrégateur de ce qui fonde la République : l’égalité entre les citoyen-ne-s. Elle participe du processus déconstituant à l’œuvre pour mieux atomiser le peuple en individus et rendre chacun comptable de son propre parcours de vie et de celui de ses enfants. Il n’est pas anodin que les rythmes scolaires et leur corolaire, le temps d’activité périscolaire, soit appelés à la rescousse comme autant de faux-semblants quand François Hollande et ses sbires sautent comme des cabris autour du terme « unité, unité ». Mais la réforme des rythmes est incompatible avec l’exigence républicaine et toutes les tentatives pour la faire passer pour ce qu’elle n’est pas n’y changeront rien : elle est le tombeau de l’éducation nationale et François Hollande et Najat Vallaud Belkacem sont ses fossoyeurs.

 

 

 

Un commentaire sur “Réserve citoyenne : Najat Vallaud Belkacem en rythme et en cadence

  1. Horti dit :

    Ça évolue; ça évolue… Longtemps on s’est contenté de mépriser les personnels enseignants en les traitant de feignasses… Maintenant, le mépris a atteint un niveau tel qu’ on vient carrément leur donner des leçons sur leur lieu de travail. Non qu’on s’attende à ce qu’ils comprennent quoi que ce soit. Mais au moins sauvera-t-on ce qui peut encore l’être… Pour les enseignants, la situation n’est plus préoccupante, elle est proprement désespérée. On ne voit même plus qu’ils existent. Il serait si facile de se passer d’eux d’ailleurs…

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