Macron, le prix du campisme

Plus que les sondages à froid sur un hypothétique retour aux urnes après dissolution, les enquêtes sur le regard porté par les Français (et leur évolution) sur les personnalités mérite attention. Ainsi en est-il du baromètre Kantar pour Le figaro magazine du 30 mars (à télécharger ici). Regardons-y de plus près.

La chute spectaculaire de la confiance envers le chef de l’état (-4 à 26%) est spectaculaire. Elle est plus marquante encore en examinant à l’intérieur des « Pas confiance » (+6 à 70%) les « Pas du tout confiance » (+9 à 50%). M. Macron ne fonctionne certes plus que sur un socle (il l’a accepté et même théorisé !), mais désormais sa stratégie de clivage lui revient en boomerang non sur sa politique mais sur lui-même. Le personnage cristallise une forme de séparatisme social et politique. Notons par ailleurs que le rejet du président est plus que majoritaire (>2/3) dans toutes les catégories sociales, ou d’âge, ou partisanes (à l’exception de Renaissance). M. Macron ne gouverne + simplement donc plus simplement pour un camp, ce qui était la perception majoritaire lors de son premier quinquennat), il dirige désormais le pays au détriment de ceux qui ne sont pas avec lui. Le fait majoritaire glisse de ceux qui n’adhèrent pas au macronisme vers ceux qui le rejettent totalement, et c’est loin d’être anecdotique à l’heure de la démocratie minoritaire.

S’arrêter sur la côte d’avenir de Mme Borne aurait autant d’intérêt vu les perspectives qui sont désormais les siennes qu’analyser celles de M. Ndiaye ou de M. Braun. Donc par charité passons.

Chez les personnalités, la percée de M. Bardella peut paraître spectaculaire (+6 à 29). Mais c’est plus encore la côte d’avenir de Mme Le Pen (seconde personnalité à 37, +2) qui devrait interpeler car elle traduit une évolution qui va au-delà de la séquence retraites. Mme Le Pen augmente à gauche (+4), au centre (+4) et à droite (+2) tandis qu’elle recule aux extrêmes. Sa stratégie d’acceptabilité semble porter ses fruits mais il faut aussi bien comprendre qu’elle comporte une grande part de risques : la matérialité ne peut se vérifier que dans les urnes. Or le recentrage de son socle va nécessairement de pair avec sa volatilité. A ce stade, il n’est pas acquis qu’elle puisse trouver une traduction électorale à cette percée mais si tel devait être le cas, elle aurait gagné des positions importantes dans cette séquence retraites.

A droite, ne surnagent que ceux qui ne sont plus en responsabilité : là où les LR actuels sont emportés par les fractures apparues au Parlement et les interrogations sur leur utilité même, seuls sont épargnés la génération Sarkozy. Le retour, sinon au premier plan, du moins en leadership à droite, de la génération politique précédente n’est jamais un signe de vitalité…

A gauche, seuls Roussel, Ruffin et Mélenchon tirent leur épingle du jeu. Une si faible représentation numérique des personnalités de gauche est symbolique du manque de perspectives qu’offre cette dernière en tant que telle. Le PS (et Olivier Faure notamment), en dynamique à l’automne, patine depuis son congrès raté. Quant à EELV, il reste un parti de niche si l’on en juge par l’audience réelle de ses représentants. Fabien Roussel est de son côté en tête de ce classement interne (22, +3). Mais surtout, après avoir augmenté à droite ces derniers mois, il progresse désormais fortement à gauche (+6). Au point d’y devancer largement JLM (41 contre 32). En sortant d’un personnage un peu caricatural, il acquiert ainsi progressivement un socle de projection. A voir ce qu’il va en faire. Entre les deux, François Ruffin devance désormais JLM (19 contre 18) et bénéficie d’une structure partisane similaire. Positionnés sur un même axe, Ruffin est en dynamique (+2) car apparaissant plus sur le terrain et rassembleur. Pour autant, si Mélenchon perd aux extrêmes, il se maintient dans son coeur de cible ce qui est pour lui l’essentiel à ce stade. Une décantation entre les deux semble bel et bien nécessaire. une affirmation de spécificité de ligne par l’un ou l’autre permettrait sans nul doute cette clarification.

L’essentiel reste toutefois ailleurs : M. Macron non seulement est minoritaire, mais il est confronté à un fait majoritaire qui lui fait face. Or pour l’heure nul (sinon pour partie le RN) ne s’en saisit car chacun reste sur des stratégies partisanes et non l’édification d’une majorité populaire. Le campisme de l’un ne fait pas pour autant le bonheur des autres.

François Cocq

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