Pour la réforme territoriale, Manuel Valls saborde l’intérêt général

images (5)Manuel Valls est une honte pour la France républicaine et pour la Gauche. Voilà un Premier Ministre ignorant qui pour justifier l’injustifiable de la réforme territoriale vient dévoyer la notion même d’intérêt général. Interrogé ce mardi 3 juin sur RMC-BFM, le résident de Matignon vient ainsi de dénier au peuple la responsabilité de définir l’intérêt général, préférant le mettre entre les mains de prétendus « sachants ». Répondant à la demande de référendum sur la réforme territoriale, Manuel Valls a osé  : « Face à une question d’intérêt général, on répondrait à une autre question, on verrait l’addition des contraires. (…) C’est au président, au gouvernement et au Parlement de faire valoir l’intérêt général ». Les despotes qui se croient éclairés sont de retour et il ne leur reste pour légitimité que leur arrogance.

L’interview de Manuel Valls mérite que l’on s’y attarde. Le Premier Ministre est contraint d’avouer que la réforme territoriale n’est pas qu’une question technique mais relève bien de ce qui devrait être l’intérêt général. Or pour lui, l’intérêt général ne se définit pas, il « se fait valoir ». C’est donc dans sa conception un objet inerte et inamovible dont il peut dès lors déléguer la mise en œuvre, « au président, au gouvernement et au Parlement ». En niant tout caractère dynamique à l’intérêt général, Manuel Valls cherche avant tout à rompre le lien qui l’unit au peuple. L’intérêt général étant pour le Premier Ministre un objet en soi, il n’a plus à traduire le projet d’un corps politique constitué. C’est donc ce faisant la nature même de ce corps politique constitué, la Nation, que Manuel Valls rejette.

En prétendant que « C’est au président, au gouvernement et au Parlement de faire valoir l’intérêt général », Manuel Valls introduit également une autre notion : celle de la perception de l’intérêt général qui prime dès lors sur l’intérêt général lui-même. La démarche n’est plus de concevoir l’intérêt général pour ce qu’il doit être mais d’en proposer une illustration qui sied avec la vision du monde de Manuel Valls et de François Hollande. Et de ce point de vue, il n’y a pas besoin de chercher bien loin. Dans la même interview, Manuel Valls présente explicitement la réforme territoriale comme devant permettre de répondre aux enjeux de « compétitivité » : « L’essentiel est de réduire le nombre de régions pour les rendre plus fortes et plus compétitives ». C’est donc bien dans une logique consumériste et concurrentielle, finalement marchande, que Manuel Valls inscrit l’intérêt général.

Il faut enfin s’arrêter sur les dépositaires supposés de l’intérêt général dans le monde rêvé de Manuel Valls : dans l’ordre le président, le gouvernement puis le Parlement. Notons que dans cette Vème République si chère au Premier ministre, le Parlement découle du gouvernement qui lui-même procède du Président. Les représentants du peuple se trouvent donc inféodés au bon vouloir du Prince. Mais il faut également noter que la liste établie par Manuel Valls s’arrête là ! Pas question bien sûr d’y inclure le peuple pour ne pas avoir en bout de course à le solliciter par référendum. Dans son mépris du peuple, Manuel Valls reprend d’ailleurs les arguments déjà évoqués dans une interview au Figaro par André Vallini, secrétaire d’état à la réforme territoriale, pour qui le peuple est incapable de se saisir des enjeux : «Face à une question d’intérêt général, on répondrait à une autre question ». Pire, Manuel Valls instrumentalise la pensée du peuple et scénarise la sphère politique pour traduire sur un échiquier politique la distorsion de la pensée dont il est l’auteur : « on verrait l’addition des contraires ». En se faisant le porteur de l’intérêt général, Manuel Valls cherche à exclure toute pensée autre et crée artificiellement un amalgame entre les opposants au système nouveau qu’il incarne. Jeu dangereux dans lequel se complait le pouvoir, aveugle aux résultats des dernières élections municipales et européennes où une telle attitude n’a servi qu’à renforcer le Front national.

Parce qu’ils sont désormais illégitimes, Manuel Valls et François Hollande en sont donc réduits à travestir la notion d’intérêt général. Il faut relire Rousseau (Du contrat social, Livre II, chapitre 6) pour qui : «  On voit encore que la loi réunissant l’universalité de la volonté et celle de l’objet, ce qu’un homme, quel qu’il puisse être, ordonne de son chef n’est point une loi ; ce qu’ordonne même le souverain sur un objet particulier n’est pas non plus une loi mais un décret, ni un acte de souveraineté mais de magistrature. J’appelle donc République tout Etat régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain ». Ainsi est faite la démonstration de la vacuité définitive de la Vème République et de l’illégitimité de ceux qui, pour subsister, s’en réclament et s’arc-boutent dessus. Manuel Valls en est l’un des hérauts, lui qui déclarait ce matin : « La Vème République à laquelle je suis attaché ». Parce qu’elle n’est plus République, la Vème doit laisser la place à la 6e. Et dès à présent, « convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes » (Rousseau, Du Contrat social, Livre I chapitre 3). Vite, la Constituante !

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